- PASOS (sculpture)
- PASOS (sculpture)PASOS, sculptureOn désigne du nom de pasos , les statues isolées ou les groupes de statues portés à dos d’homme au cours des processions de la semaine sainte en Espagne. On a discuté sur l’étymologie du terme. Deux hypothèses sont avancées: ce sont des pasos soit parce qu’ils passent, soit parce qu’ils évoquent la Passion du Christ.Le destin de ces images sacrées est lié aux confréries, c’est-à-dire aux associations qui se développèrent dans la Chrétienté entière à la fin du XIVe et au début du XVe siècle. Les unes visaient des fins essentiellement corporatives, les autres avaient une destination uniquement religieuse, en particulier les confréries de la Passion, qui entendaient émouvoir les fidèles en mettant en scène les personnages du drame du Calvaire. L’évolution conduisit dans un cas au théâtre religieux et aux mystères, dans l’autre aux processions spectaculaires, avec pasos et flagellants, dont la pénitence formait un extraordinaire tableau vivant.Ces pratiques de dévotion populaire furent encouragées par le concile de Trente, qui favorisa les manifestations extérieures de la piété. On assiste à la fin du siècle à un regain d’activité des confréries qui se consacrent à des pratiques de pénitence (parfois sanglantes) et organisent les processions de la Semaine sainte. Ce sont elles qui commandent, entretiennent et rénovent les pasos. Leurs membres participent aux processions en portant des torches, des croix ou des disciplines: frères de lumière, de croix et de sang.L’action du concile de Trente fut décisive pour la création des véritables pasos. Jusque-là, ils étaient fréquemment de grande taille, mais cependant légers, car faits de lin et de carton (type papelón ). En exigeant une plus grande dignité dans les représentations sacrées, le concile encouragea l’usage du bois et il se trouve ainsi à l’origine de la grande statuaire polychrome espagnole du XVIIe siècle.La ville de Valladolid tient une place de choix dans la naissance de l’art nouveau. On considère que la transition entre les pasos en toile collée et les statues de bois y fut assurée par Francisco de Rincón (1608), dont l’Élévation de la Croix , exécutée en 1604 pour l’église de la Passion, se trouve aujourd’hui au musée de la ville. Cependant, il revenait au grand Gregorio Fernández (1576-1636), qui fut semble-t-il son élève, de conférer aux pasos leur humanité poignante et leur pathétisme religieux, avec les créations justement célèbres du Christ à la colonne , du Christ en Croix , du Christ gisant ou de la Mater Dolorosa . Un seul de ses groupes sculptés est demeuré complet et sans transformation: la Descente de Croix de l’église de La Cruz, datée de 1623.Les pasos de Séville diffèrent autant de ceux de Valladolid — ou encore de Medina de Rioseco — que l’âme de l’Andalousie de celle de la Castille. Ici, les créateurs furent Juan Martinez Montañes (1568-1649), le «dieu du bois», auteur du Jésus de la Passion dans l’église du Sauveur (vers 1619), et son disciple Juan de Mesa (1583-1627). On doit à ce dernier le très célèbre Crucifix de l’Amour (1618), également dans l’église du Sauveur, le Crucifix de la conversion du bon larron , dans la chapelle de Montserrat, et le Crucifix de la Bonne Mort , dans la chapelle de l’université, ainsi que l’extraordinaire Jésus du grand pouvoir , un «Nazaréen» comme le Jésus de la Passion , c’est-à-dire une figure du Christ portant la Croix sur ses épaules. À côté de ces figures isolées, on exécuta aussi un grand nombre de statues groupées représentant des scènes de la Passion, ou pasos de «mystères».Le Christ peut appartenir à l’un ou à l’autre groupe, comme l’image de la Vierge, la Dolorosa , qui est l’objet de la dévotion la plus fervente soit qu’on compatisse à son amertume, à son angoisse, à ses larmes, à sa solitude, soit qu’on implore sa grâce, son refuge, son secours, sa protection. Qui n’a pas vu passer la Macarena — une Vierge de l’Espérance qu’on situe dans le cercle du sculpteur Pedro Roldán (1624-1699) — ignore l’un des aspects essentiels de l’âme sévillane. Cette fastueuse icône, dotée d’un trésor de bijoux (bagues, bracelets, pendants d’oreilles, chaînes et rosaires), nous rappelle que la statue, quelle que soit sa qualité, n’est qu’un élément du paso. On la pare de riches étoffes. La plate-forme, sur laquelle on la hisse, est envahie d’objets d’orfèvrerie produits par l’artisanat local (candélabres et vases), couverte d’une profusion de fleurs et illuminée par d’innombrables lumières de cire vierge.Après la disparition des corporations de métiers, ce sont les divers quartiers urbains, comme l’aristocratique barrio de la Macarena, qui ont maintenu la tradition des processions, avec une participation populaire jamais démentie.Le Levant ibérique a été profondément marqué par l’art et la piété de Francisco Salzillo (1707-1783). Son œuvre, entièrement réalisée à Murcie, constitue un véritable renouvellement d’une sculpture religieuse, redevenue sincère et en parfaite communion avec la sensibilité populaire. Tout n’est cependant pas égal dans une production surabondante et parfois guettée par la fadeur. Le musée Salzillo (église de Jésus) de Murcie a regroupé, entre autres, les grands pasos de la Passion, commandés à l’artiste par la confrérie de Notre Père Jésus de Nazareth. L’ensemble est comme illuminé par l’ange de la Prière au jardin des Oliviers , véritable symbole d’une humanité transfigurée.
Encyclopédie Universelle. 2012.